La vallée de chota et l’histoire des communautés afro-équatoriennes

L’histoire de la communauté afro-équatorienne dans la vallée de Chota

A la frontière entre les provinces de Carchi et d’Imbabura, à 35km de la ville d’Ibarra située au Nord de Quito, et 90km de Tulcan, se trouve une vallée au climat aride et difficile, à laquelle il est facile d’accéder depuis l’autoroute Panamericana Norte: la vallée de Chota.

Cette région, encore très peu touristique, héberge la plus grande communauté afro-équatorienne du pays, avec celle d’Esmeraldas, sur la côte Pacifique. Elle est également un grand vivier de talents sportifs, de nombreux footballeurs de renom étant notamment originaires de cette région. L’histoire de Chota est directement liée à l’esclavagisme, et traduit la situation difficile de la communauté encore de nos jours. Malgré tout, la vallée de Chota affiche fièrement ses couleurs et traditions venues d’Afrique et métissées avec l’Équateur.

L’arrivée des premiers esclaves dans la vallée de Chota

La communauté afro-équatorienne de Chota est constituée de descendants d’esclaves conduits par les jésuites et mercédaires au XVIIème siècle (l’installation des jésuites remontant de 1659), afin de travailler dans les mines et plantations de canne à sucre dans la région. La vallée de Chota, qui tire son nom de la chef tribale du début du XVIème siècle Angelina Chota, fut longtemps baptisée “Coangue” – qui signifie vallée des fièvres malignes – du fait du climat extrêmement sec qui y règne.

Un habitant de la vallée de Chota
Un habitant de la vallée de Chota

Ce climat rude, combiné à l’insalubrité de la région à cette époque, du fait du paludisme et des fièvres malignes omniprésentes, rendait le travail extrêmement difficile. Avant l’arrivée des esclaves provenant d’Afrique, ce sont les indigènes qui étaient utilisés pour réaliser le dur travail agricole (mais recevaient cependant une dîme). L’on sait qu’au XVème siècle, avant l’arrivée des colons espagnols, les chefs des tribus de Chota et Mira, à qui appartenaient alors les terres, cultivaient la coca et le coton dans la vallée.  En 1550, lorsque les premières haciendas espagnols furent érigées, les nouveaux propriétaires terrestres tentèrent de faire venir davantage d’indigènes afin de commencer à cultiver olives, raisin, coton et canne à sucre. En 1570, la ville de Pimampiro recensait 738 indigènes.

C’est avec l’arrivée des jésuites, qui devinrent propriétaires d’une grande partie des terres de la région dès le XVIIème siècle, et la construction de nombreux moulins à sucre érigés sur leurs immenses terres – si grandes que leur extension ne pouvait plus être mesurée avec précision, et s’étendaient de la rivière Mira jusqu’au páramo- que le besoin de faire venir davantage de main d’oeuvre se fit ressentir. Dès 1690, une première vague d’esclaves africains fut importée par les anglais depuis le Golfe du Biafra. En 1695, les jésuites firent venir des esclaves originaires de l’actuel Congo jusqu’à la région d’Imbabura. Ces esclaves étaient alors acheminés jusqu’en Amérique du Sud par des compagnies françaises, portugaises et anglaises, qui exploitaient la région de Luanda (actuelle Angola, jusqu’aux berges du fleuve Congo en Afrique Centrale). Ils étaient principalement assignés à l’exploitation des cannes à sucre, mais aussi au bétail, qui servait presque exclusivement à alimenter le marché de Quito.

En 1767, les missionnaires jésuites furent expulsés d’Équateur ainsi que de tous les territoires appartenant à la couronne espagnole. C’est alors que de nombreux esclaves furent répartis à des propriétaires indépendants, dont parfois le propre Roi d’Espagne.

Climat, géographie et communautés actuelles

La vallée de Chota est remarquable du part le micro climat aride qui y règne, et ses paysages désertiques qui se distinguent totalement du reste de ce que pourrez observer dans la région. La température moyenne y est de 24C toute l’année, attention aux coups de soleil! Elle se situe à l’extrême frontière Nord de la province d’Imbabura avec la province de Carchi, en plein milieu de la Sierra andine, et regroupe aujourd’hui une population d’origine africaine d’environ 2000 habitants. Elle fait souvent la une de l’actualité équatorienne, étant un très fort berceau sportif. De nombreux de joueurs de l’équipe nationale de football sont en effet originaires de Chota, comme les internationaux Edison Méndez, Agustín Delgado, Kléver Chalá, ou  Geovanny Espinoza. La région, qui a su préserver de nombreuses traditions et danses ancestrales, est considérée comme un petit bout d’Afrique en Équateur.

Le développement de la région s’est effectué autour de la rivière Chota, et l’on trouve aujourd’hui plusieurs communautés s’étendant jusqu’à la province de Carchi. Parmi elles l’on peut citer les communautés de Chaiguayacu, El Juncal (le temple de la “Bomba del Chota”!), Ambuqui (située à 34km au nord-est d’Ibarra / altitude 1500m, connue pour vin et ses compotes, et pour être la seule à être également peuplée de métisses), Carpuela (petit village agricole avec de notables productions de tomates et d’oeuf, et fabrique également de beaux masques d’argile), et les stations Ponce et Carchi.

Sites naturels à visiter dans la vallée:

Le pont piéton sur la rivière Chota, dans la communauté de Pusir Grande, qui s’étend sur environ 200 mètres, connecte les deux provinces de Carchi et Imbabura. Tout autour se trouvent des producteurs de Panela, de nombreux fruits et cultures. Petite curiosité, l’on y trouve aussi deux espèces d’insectes, la Tuna et la Cochinilla, qui servent à élaborer des pigments cosmétiques.

La plage de la rivière Chota, qui offre un grand espace de baignade et des activitées variées.

La culture de Chota

La vallée de Chota est très active culturellement. Sa musique, vivant au rythme de la “Bomba del Chota” au son des tambours, ainsi que ses danses colorées, sont appréciées dans tout le pays.

La Bomba del Chota: Il s’agit d’une superbe représentation culturelle traditionnelle qui mélange habilement la danse, la poésie et la musique. Les habitants de la région disent qu’elle date d’une époque ancestrale et fait partie intégrante de la culture noire, leur permettant d’exprimer ce sens de la musique et du rythme qui coule dans leurs veines. Elle est toujours conduite par un groupe appelé “Banda Mocha”.

La Banda Mocha: En général, ce groupe iconique est composé de 14 musiciens, tous jouant sur des instruments construits à partir de matériel local brut, dont l’extrémité est travaillée et sciée afin de les rendre “Mocha” dans lesquels l’on souffle à l’instar d’un trombone. Les trompettes sont par exemples faites des branches de la plante penco (espèce d’agave très présente à l’état sauvage dans la région et dans les Andes en général), les roseaux qui bordent la rivière Chota servent à élaborer des flutes traversières, et la calanguana (sorte de didgeridoo en plus court, mais qui contrairement aux apparences sert d’amplificateur de la voix) est formée à partir de citrouilles incisées. L’instrument le plus iconique du groupe, la Bomba, est une sorte de tambour formé à partir de bamboo et de pieds de chèvre.

Les danses de la région de Chota: La région compte de nombreuses danses traditionnelles très caractéristiques, comme le “Caderazgo“, durant laquelle la femme poursuit l’homme afin de le frapper sur les hanches et ce dernier doit échapper à cette sanction, ou bien être moqué pour sa piètre performance! L’on retrouve de nombreuses autres danses comme la Angara, le Puro ou le Bundi. La plus célèbre reste la Danse de la Bouteille, durant laquelle la femme, exerçant un grand sens de l’équilibre, danse en harmonie sans faire tomber la bouteille qu’elle maintient sur sa tête!

Le carnaval de Coangue: Du mardi au dimanche de carnaval chaque année, la région ne manque pas de s’animer pour célébrer à travers de nombreuses danses cet évènement si populaire en Amérique du Sud.

Le “champú“: La célébration des fêtes traditionnelles de fin d’année démontre également un certain métissage entre les cultures africaines et la culture équatorienne catholique. L’on y prépare en effet, pour Noël et jour de l’an, une boisson traditionnelle appelée “Champú” (shampoing), à base de miel de panela, maïs, fruits tropicaux et diverses épices. L’on retrouve d’ailleurs cette boisson, dont les habitants défendent les origines africaines, au sud-ouest de la Colombie et au Pérou.

L’histoire particulière de  la communauté afro-équatorienne d’Esmeraldas

La région de Chota n’est pas la seule à être habitée par des descendants d’Afrique Noire. Sur la côte Pacifique, au nord-ouest de l’Équateur, se trouve la province d’Esmeraldas, qui possède une histoire bien différente de celle de la Vallée de Chota. Les premiers habitants noirs de la région arrivèrent en effet par accident, après qu’un navire conduisant des esclaves du Panama au Pérou coula au large des côtes. Les survivants du naufrage purent se réfugier dans la forêt près de la côte, et se mélangèrent alors aux indiens de Cayapas, pour former peu à peu la communauté baptisée République de Zambos d’Esmeraldas, dans le but d’être reconnus par les autorités coloniales espagnoles.

Malheureusement, cette reconnaissance n’eut pas lieu dans les conditions souhaitées, et les autorités virent alors un danger potentiel qui pourrait servir d’exemple aux autres esclaves encore exploités dans le pays. La mise en esclavage de nombre d’entre eux fut alors permise par les autorités qui créèrent alors une véritable institution esclavagiste dans la province.

De nombreux contacts ont eu lieu à travers l’histoire entre les esclaves fuyant la vallée de Chota en quête de liberté, et les communautés libres d’ Esmeraldas.

Les luttes des afro-descendants en Équateur

L’émancipation des afro-équatoriens ne commença que dans les années 1850, lorsque l’Équateur devint une République indépendante de la couronne espagnole. Malheureusement, l’abolition de l’esclave en 1851 ne permit malheureusement que les noirs s’intègrent pleinement dans la vie de la société équatorienne, et leur position resta longtemps marginalisée, économiquement précaire, et politiquement inexistante. L’accès à la propriété ne leur fut permis qu’à la fin du XIXème siècle, et non sans problèmes à l’époque.

Un régime de demi-esclavage, appelé concertation/esclavage du fait des dettes des parents et grands-parents- dut être enduré par de nombreux descendants, même au début du XXème siècle. La communauté afro-descendante a malgré tout joué un rôle prépondérant dans les révolutions équatoriennes.

Longtemps isolée et précaire, avec des routes commerciales et accès avec le reste du pays principalement par la mer, Esmeraldas a vu ses habitants contraints de migrer de tout temps, notamment à Guayaquil, en espérant y trouver une vie meilleure. La route connectant Esmeraldas à l’intérieur des terres ne date en effet que de la deuxième moitié du XXème siècle, et a permis un certain développement de la région, qui reste cependant de nos jours l’une des plus pauvres d´Équateur.

 

Sources:

Bomba Chota Ecuador: http://bombachotaecuador.blogspot.com/2017/06/baile-bomba-del-chota.html

Edgardo Civallero : https://www.aacademica.org/edgardo.civallero/263.pdf

Abacus Bates: http://abacus.bates.edu/~bframoli/pagina/ecuador/Recursos/id23.htm

Bomba Chota Ecuador: http://bombachotaecuador.blogspot.com/2017/06/baile-bomba-del-chota.html

Banda Mocha: http://bandamocha.com

Leonard70: https://www.slideshare.net/LEONAR70/comunidades-afrodescendientes-del-ecuador

Goraymi: https://www.goraymi.com/es-ec/imbabura/ibarra/culturas-nacionalidades/cultura-afrochotena-al93v10s2#:~:text=Esta%20comunidad%20de%20afroecuatorianos%20lleg%C3%B3,plantaciones%20de%20ca%C3%B1a%20de%20az%C3%BAcar.

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